Un père #11

 Il est parti vivre de plus en plus loin et ils ont finalement dû estimer que quatre cents bornes, ça ne valait pas le coup qu’on y aille plusieurs fois par an.

Alors mon père, tu vois, c’était un genre de colonie de vacances, où l’on débarquait, morveux, au début du mois d’août. J’en avais des crampes avant, une trouille pas possible, parce que l’autre, là, elle rigolait pas, hein ! C’était distribution de claques, sans état d’âme, parce que j’étais trop dure, trop effrontée, je répondais exprès. Et pour mon frère, parce qu’il n’était pas propre, il pissait souvent au lit, et c’est lui qui va laver ?

Et son fils à elle, celui qu’elle avait fait « dans le dos » de mon père, ma mère disait que c’était pour garder son homme, pour se l’attacher, moi je ne comprenais pas pourquoi cette petite chose blonde et blanche attacherait plus notre père que nous, les noirauds. Comment cet enfant qui ne parlait même pas pouvait provoquer son intérêt ?

J’en ai passés, des étés à imaginer qu’ils mourraient, lui et sa mère, dans des incendies inexpliqués. Combien de feux ai-je déclenchés, en pensée... des centaines, des milliers de flammèches invisibles dansaient autour d’eux.

On y passait l’après-midi, avec mon frère.