Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Splash !
14 septembre 2010

#67

Je hache, je pile, je découpe, je déchire, j'équarris, je dépèce, je désosse, je saigne mon corps de son mal, je manipule nerveusement ma maladie comme on joue avec un casse-tête, je rue, je tente, j'essaye de déplacer les cubes dans toutes les directions, sans jamais parvenir à trouver la paix, la solution me manque, je demeure illogique, plombée, perdue dans une demi réalité. Mon amant de l'ombre -celui dont je n'ai jamais parlé- dit que nous ne sommes pas des personnages de théâtre à la recherche de la réplique parfaite, mais il se trompe, je crois que c'est exactement ce que nous sommes, en tout cas l'un pour l'autre. Nous avons fait de notre correspondance une liaison amoureuse virtuelle et, surtout, une oeuvre de sublimation du réel. En décidant de ne pas nous rencontrer en chair et en os, nous avons implicitement signé un contrat en clair-obscur, maintenir l'autre dans l'ombre pour mieux se sentir briller, sans prendre aucun risque. Dans toute relation épistolaire, une forte part narcissique intervient : de quoi y parlons-nous, sinon de nous-mêmes ? Quel plaisir de découvrir son propre reflet dans un aussi beau miroir... que j'ai eu du plaisir à tout cela, pendant quelques mois. Je l'ai immédiatement trouvé charmant : spirituel, drôle, incisif, juste, présent sans être lourd, attentionné. Et puis je l'ai trouvé beau et désirable, quand il m'a envoyé des photos de son corps, de son visage. Parfois, il me semblait trop beau, trop parfait, trop conforme à mon désir pour être réel. Un parangon de virilité. Il m'a immédiatement trouvée charmante. Et spirituelle, drôle, incisive, juste, présente sans être lourde, attentionnée. Et belle et désirable, si j'en crois ses propres mots. Un comble de la féminité. Tels deux jumeaux cosmiques, nous nous admirions nous-mêmes en contemplant l'autre, suspendus dans un liquide amniotique à base de 0 et de 1, et des 26 lettres de notre alphabet. Je ne suis pas certaine que tout cela m'aide à lutter contre la schizophrénie. 

Il reste G. Puissant G, qui me ramène au réel, au concret, à la vie qui avance, pas celle qui tourne en boucle dans ma tête, depuis mes 8 ans. Certains jours, je dois faire des efforts pour me rappeler mon prénom, et les chiffres de mon âge tourbillonnent trop vite pour que je puisse les voir clairement. J'appelle G dans ce rituel immuable : son numéro, deux sonneries, il me rappelle dès qu'il peut. Je lui dis au secours mon chéri, je perds pied à nouveau, viens vite. Ma tête me fait mal, mon cerveau est tout gélatineux par derrière, il suinte dans la moelle épinière et se mêle au plomb qui durcit. Je voudrais qu'il me pêche, qu'il me mette dans un bocal. Je voudrais mourir vite. 

Publicité
Commentaires
Splash !
Publicité
Splash !
Avant-propos

Lecteur, lectrice,
Mon nom est (presque) Coppélia Brulé et ceci est (presque) mon histoire. 
Génétiquement bizarre, tenant autant de la méduse que de l'homo erectus, j'essaye de vivre parmi les humains. 

Publicité