#69
Je frotte mon visage avec la pulpe de mes doigts, jusqu'à ce qu'il pèle. Une fine neige de peau saupoudre mes genoux. J'aide ma mue, jamais naturelle mais ô combien jubilatoire. Par dessous je suis blanche, par dessous je suis lisse, par dessous je suis jeune. Comme les vampires, les sirènes n'ont pas de reflet ou, plus exactement, elles n'ont qu'un reflet incomplet. Un oeil, un morceau de joue, un rebond charnu de lèvre rouge, la fossette qui fendille l'ossature du nez, une mèche de cheveux. Mes doigts qui sentent la crevette, mes ongles transparents, les veines lilas, les petites peaux durcies à force d'être mordillées, mes seins, mes fesses. Mes 152 cicatrices. Il me manque plusieurs pièces pour être complète, la chevelure drue, le muscle noueux, la peau dorée, la pomme d'Adam... les sirènes mangent les hommes pour devenir femmes.