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5 novembre 2015

#113

Pendant des années, j'ai été amoureuse du souffle d'une tornade. Un écho. Il me semblait que le vent, la mer, portaient la trace masculine et virile d'un demi-dieu. Et que je lui étais destinée, rien de moins. J'étais convaincue d'être l'essence féminine, quelque chose comme un trophée pour l'Homme. J'aurais adoré être une trophy wife dont la beauté justifiait tout le reste, sans qu'on se pose la moindre question. Belle du seigneur. Je n'étais qu'une gamine maigre et noiraude, sans grâce. Mais dans le souffle du vent persistait cette odeur mâle, qui me chuchotait "je t'attends". Dans la forêt, je restais immobile, les yeux fermés et les bras ouverts, comme pour mieux accueillir cet esprit viril, qui me procurait une jouissance mystique très intense. Je savais que l'esprit voyait à travers moi, que mon corps décharné et mon visage étrange lui étaient transparents - il visait l'intérieur, l'utérus, comme un pénis en érection.

G. est dans un taxi, qui le transporte entre gare du Nord et gare Montparnasse. Suis-je dingue de lui en vouloir pour une pareille bêtise ? Bon s'il a le fric pour ça et que le métro l'angoisse, après tout... Mais c'est ce genre de moment où je lui en veux de n'être pas à la hauteur de mes fantasmes, quand je le rêve en dieu, il se dévoile petit garçon, incapable de survivre en milieu hostile. J'ai envie de baiser le père de famille capable de protéger les siens en cas de guerre nucléaire, pas le petit bourgeois qui prend un taxi pour éviter 10 minutes de métro - pauvre chouchou.

J'aime ses mains. Ses mains qui fabriquent des meubles. Ses mains qui ont construit une maison dans un arbre, lorsqu'il était enfant. Une maison à plusieurs étages, avec un toit. Le truc de fou, dont seraient bien incapables la plupart des hommes adultes. Lui, il l'a fait lorsqu'il était un petit garçon. Et à 16 ans il est parti de chez lui pour faire le Tour de France. Pas à vélo, hein, celui du compagnonnage. C'est là qu'il a commencé à fumer. Et à baiser. La femme de son patron à Nantes, une MILF de premier ordre, dans le stock à bois ou dans leur cuisine proprette. Et puis plein d'autres... c'était un Tour de France du cul aussi. Moi je visualise toujours cette femme avec des cheveux mi-longs, bouclés, châtains. Mince, avec une robe de fin coton jaune canari et un tablier. Et puis la cuisine en formica, avec des petits rideaux brodés sur la fenêtre au dessus de l'évier en inox ou baignent des assiettes en pyrex engrêlées de mousse. Et des jardinières de géraniums aussi. Elle sent un peu la javel et un peu le parfum, la poudre d'iris dans son rouge à lèvres. Il est jeune, un peu maladroit, mais pas vraiment timide. Il tente un cunnilingus tandis qu'elle repose sur la table en marbre, le rôti est dans le four. C'est presque un scénario de film porno, ça. Mais presque, parce qu'ils disent des mots qui n'appartiennent qu'à eux : une femme qui brûle à l'intérieur, enfermée dans son petit pavillon de province et un jeune homme dont la libido explosive rencontre la réalité pour la première fois, après des années de branlette en regardant à travers les pages lingeries du catalogue La Redoute. Il y a ce petit supplément d'âme de la réalité, qui permet que faire l'amour soit toujours meilleur qu'y penser : un grain de peau qui électrise la paume, une cicatrice charmante, une odeur indéfinissable.

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Avant-propos

Lecteur, lectrice,
Mon nom est (presque) Coppélia Brulé et ceci est (presque) mon histoire. 
Génétiquement bizarre, tenant autant de la méduse que de l'homo erectus, j'essaye de vivre parmi les humains. 

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